Nathalie Lorson, "nez" et créatrice de Satine.
Il est rare, très très rare que nous parlions de parfum sur ce blog. En grande partie parce que la majorité d'entre eux sont plus "marketing" qu'agréables d'une part, et aussi très "chimiques" d'autre part. Mais celui-ci, Satine, de la maison Lalique, est "en grande majorité" constitué de "matière naturelle", comme tous les parfums véritablement "haut de gamme"- qui se comptent sur les doigts de la main. Autrement dit de l'équivalent de nos huiles essentielles. En aromathérapie, on cherche à préserver les molécules thérapeutiques en obtenant l'huile essentielle par distillation. En parfumerie, on cherche à obtenir la palette aromatique la plus proche de celle de la plante, et on utilise alors la technique C02 supercritique.
Nathalie Lorson, nez pour ce parfum Lalique (et pour bien d'autres parfums comme celui de Lady Gaga, Féminin/Masculin de Zadig et Voltaire, Cuir d'Armani privé, des Gucci, Lacoste, Dolce Gabanna et autres Azzaro...) nous parle de son métier avec passion.
Pour créer ce parfum, quels ont été vos impératifs ?
Une bouteille ronde et rose. A partir de là, j'ai eu l'imagination libre ! C'est particulièrement agréable. J'ai notamment apprécié de ne pas être sous le cahier des charges d'un "tests consommateurs"; cela signifie qu'on ne cherche pas ici à être dans la mode, la tendance, ni de "plaire au plus grand nombre", pour un parfum qui disparaitra l'an prochain. Au contraire, la marque cherche quelque chose d'intemporel, de haut de gamme : c'est un cadre complètement différent, plus ouvert. Et des matières de grande qualité. On n'est pas ici dans la mode, on est dans du beau.
Vous travaillez pour de nombreuses marques de parfums, comment ne pas se répéter ?
C'est tout l'intérêt de ce travail. Quand on est "nez", on a forcément une personnalité, une signature reconnaisable. Mais il ne faut pas se répéter. Il faut être fidèle à l'esprit de la marque. C'est comme une ièce de théâtre, en fait : à chaque nouveau parfum, je me glisse dans des habits de scène (= les habits de la marque). C'est un très beau métier.
Quelle est la chose la plus importante pour un nez ?
D'abord je n'aime pas du tout ce mot "nez". Vous êtes journaliste, on ne vous qualifie pas de "stylo". On ne dit pas de vous "c'est un stylo" ! Nous, les nez, c'est pareil : ce n'est pas parce que le nez est notre outil de travail qu'il fait tout. Comme votre stylo n'écrit pas tout seul ! Ce qui compte, c'est l'idée, l'esprit, le mental. C'est la chose la plus importante. Tout se passe dans la tête. Que voulez-vous dire avec ce parfum ? Dans quel univers voulez-vous aller ? Quelque chose de rond, de sensuel, de frais ? Le nez n'est qu'un instrument qui servira ensuite, en phase 2, la phase technique : le travail d'assemblage, la formulation.
Obtiendrait-on le même parfum avec des ingrédients de moindre qualité ?
Non, justement, c'est ce qui est extraordinaire. C'est comme une tomate-mozzarella : tout dépend de la tomate et de la mozzarella. Le résultat peut être nul, médiocre ou sublime. Avec des matières d'une qualité inférieure, on aurait moins de tenue, de sillage, de puissance. C'est comme la cuisine ! On peut comparer avec la cuisine italienne, que j'aime beaucoup : quelques ingrédients simples mais parfaits. Alors que parfois, dans la cuisine française, il y a beaucoup trop de saveurs, on s'y perd. Moi, je préfère des choses simples, en parfumerie aussi : quelques fragrances, mais le meilleur. C'est ainsi qu'on sublime les odeurs. C'est ça, l'élégance racée; ce n'est pas la profusion !
Satine est-il un parfum 100% naturel ?
Non, c'est impossible, beaucoup trop restrictif. On a besoin de molécules pour diffuser, tracer le sillage, etc. Le 100% naturel n'est pas adapté à la parfumerie d'aujourd'hui. En revanche, j'aime beaucoup travailler avec des matières naturelles, c'est superbe. Ici, on a de la fève tonka séchée puis macérée dans du rhum puis resséchée; de la vanille de Madagascar, du vétiver extraordinairement fin, du jasmin... seules quelques odeurs de fleurs sont obtenues différement, l'héliotrope par exemple, car cette fleur est sauvage et minuscule. Si on voulait en extraire "naturellement" l'odeur il faudrait imaginer des champs incroyablement importants, et encore, la fragrance est si ténue, la fleur si petite... l'odeur serait détruite par le process. Dans cette optique, si l'on veut préserver la nature, c'est aussi un choix de ne pas piller les ressources naturelles.
Satine : vapo Eau de Parfum 30 ml, 54 €. Note de tête : jasmin, héliotrope, gardénia. Note de coeur : poivre rose, vanille, fève tonka. Note de fond : patchouli, vétiver, santal.